L’IA : Futur allié de l’agiliste ou menace imminente ?
Publié le 2 octobre 2023 • Par Nicolas MasztalerCet article a été écrit par un humain, surement l’un des derniers que vous lirez sur le sujet, car les progrès fulgurants de l’IA (Intelligence Artificielle) ont d’ores et déjà changé la donne. Nos métiers d’agilistes, de pilotes de projet, de facilitateurs vont être bouleversés par la puissance qu’offrent ChatGPT et consorts. Mais entre fantasmes et réalités du terrain, il y a un gouffre abyssal. Je vous propose donc de parcourir à travers des cas concrets de l’agilité comment l’IA peut nous aider dans notre quotidien.
Cet article a été écrit par un humain. Je suis un humain, je travaille pour des humains, avec des humains dont j’essaie de tirer le meilleur. Ceci a toujours été mon leitmotiv et ça le sera toujours. Et je ne vais surtout pas retourner ma veste parce que Skynet Junior est à la mode. Donc remplacer les PO par des machines, c’est non. Mais les aider en fournissant des outils pour améliorer la qualité de leur travail, alors oui, vous pouvez compter sur moi… Ce préambule a peut-être été abrupt mais je voulais être clair sur mon état d’esprit.
De quoi on parle, au fait ?
Dans cet article on va parler de ChatGPT, l’IA qui est sur toutes les lèvres et au bout de beaucoup de doigts. ChatGPT est ce qu’on appelle une IA Générative. Une IA générative est un type d’intelligence artificielle qui est capable de créer du contenu. Elle est souvent basée sur des modèles de réseaux neuronaux profonds, en particulier les réseaux antagonistes génératifs (GANs). Ces modèles sont entraînés à générer des données qui ressemblent à celles avec lesquelles ils ont été formés. Par exemple, une IA générative peut être entraînée à produire des images, de la musique, du texte ou d’autres types de contenu. Dans le cas de ChatGPT, c’est une IA générative spécialisée dans la génération de texte. Elle est capable de répondre à des questions, d’écrire des histoires, et d’accomplir d’autres tâches liées au langage naturel.
Les IA génératives sont formées en plusieurs étapes :
- Collecte de données : rassemblement d’un grand ensemble de données pertinentes.
- Pré-traitement : transformation des données pour les rendre utilisables (ex: conversion du texte en numérique).
- Entraînement : le modèle “apprend” en essayant de prédire les données, et s’ajuste en fonction des erreurs.
- Optimisation : l’entraînement continue jusqu’à obtenir de bonnes performances.
- Évaluation : test du modèle sur de nouvelles données pour vérifier sa généralisation.
En gros, ChatGPT (et ses copains) ne font “juste” que choisir un mot pour le mettre après un autre. En terme d’intelligence, c’est mieux qu’un parpaing mais on est loin de HAL. Mais ça n’enlève rien au pouvoir de la chose.
Une boîte à idées
ChatGPT est une IA générative et c’est la première qu’on va lui demander : générer. Vos premiers prompts ont sûrement été “Raconte-moi une blague” ou “Génère-moi une chanson qui parle de chatons”. Aux seconds prompts, vous avez sûrement réfléchi à comment l’IA peut aider. Vous avez donc tapé “Que puis-je manger ce soir ?”, “Quel film me conseilles-tu ?” ou “Comment gagner de l’argent sans quitter mon canapé ?”. Eh bien, on ne va pas aller beaucoup plus loin.
Quel Scrum Master ne s’est pas gratté la tête en se demandant quel type de rétrospective il allait faire cette semaine ? Quel est celui qui n’a pas passé deux heures sur les sites d’agilistes pour finalement opter pour le Speed Boat ? Que le Scrum Master qui n’a jamais vécu ça me jette le premier bloc de post-its.
Cette époque est révolue. Il n’y a qu’à demander à votre GPT préféré :
La question est simple et naturelle. La réponse est efficace et cohérente.
Mais si la réponse n’est pas conforme à vos attentes, ce n’est pas grave, on recommence :
Fini le scrolling pendant des heures. Là, on gagne un temps considérable. Et, évidemment, ça marche aussi pour les Ice Breakers, les événements de Team Building, la blague du vendredi matin, etc.
Un assistant, un vrai
Vous vous rappelez ces films des années 80 ou chaque cadre (américain) avait à sa disposition une assistante (oui, au féminin, c’était les années 80) : “Karen, tapez-moi ce message, s’il vous plaît…”, “Karen, sortez-moi le dossier du client World company”, “Donnez-moi votre avis, Karen : la cravate bleue ou la cravate rouge pour le conseil d’administration ?”… On croyait cette époque révolue ? C’était sans compter ChatGPT qui vient de déterrer le cadavre de l’assistante pour la rendre indispensable !
Les IA génératives ont trois grosses qualités : elles connaissent beaucoup de choses, elles peuvent rédiger sur n’importe quel sujet et ne sont pas réticentes à la tâche. ChatGPT a donc le profil idéal pour faire, avec le sourire, tous ces travaux ingrats dont je peux/veux/dois me passer me consacrer à l’essentiel de mon travail. C’est la Karen 2.0 :
- “Chadji, mon pitit, voici 2 phrases prises en notes pendant la réunion, peux-tu m’en faire un compte-rendu rédigé dans un ton formel, stp ?”
- “Rappelle-moi les éléments importants à montrer à un Comité Projet, stp ?”
- “Peux-tu me donner le plan de l’atelier Birdie-Birdie que je vais jouer demain, stp ?”
Il faut profiter des qualités de génération de ChatGPT. Et, surtout, il ne faut pas en avoir honte (est-ce qu’on se pose ce genre de question quand, d’ailleurs, on utilise un outil d’automatisation ?). Ce n’est pas de la paresse intellectuelle, ce n’est pas de la fainéantise, c’est juste de la délégation. N’oubliez pas que votre valeur est dans l’analyse de la situation, dans la prise de décisions, dans la qualité de jugement. En aucun cas, elle l’est dans la rédaction d’un mail ou le modop d’un atelier connu par tous.
L’IA est un PPPO (Personnal Proxy Product Owner)
Tout agiliste qui se respecte a déjà écrit des User Story. La rédaction d’une US a un côté euphorisant car ça permet de coucher des idées et de concrétiser un fonctionnel qui ne vivait que dans sa tête, mais c’est aussi extrêmement fastidieux car derrière chaque cas fonctionnel se cache moultes règles de gestion de critères d’acceptation à détailler.
A nouveau, ChatGPT va devenir très intéressant car il va nous délester de l’écriture rébarbative qu’il va prendre à sa charge nous laissant tout le temps de cerveau disponible pour se consacrer aux idées !
La manœuvre, ici, n’est pas aussi triviale que lors des exemples précédents. En effet, il va falloir apporter à notre IA un contexte le plus exhaustif possible afin que sa génération soit la plus pertinente possible. Il va donc falloir lui donner à manger des infos comme :
- Le but de l’application
- Le type d’utilisateur
- Les aspects techniques
- etc.
⚠️ Attention quand vous alimentez votre IA
Personne ne sait, aujourd’hui, où vont les données que vous lui fournissez et comme c’est gratuit, vous savez qui est le produit ! On préconise vivement d’être très vigilant dans les infos que vous partagez en, par exemple, anonymisant les données fournies.
Voici un bref exemple sur une application fictive (quoique… il y a peut-être un business) :
Le résultat est complet et d’une qualité impressionnante. Cependant, je vous recommande fortement de relire avec soin le contenu généré, même s’il parait impeccable, car l’IA n’est pas exempte d’erreurs ou de mauvaises interprétations des éléments fournis dans le contexte.
Et si on allait plus loin et qu’on générait le cas de test associé ?
Il est clair que le gain de temps et d’énergie est juste incroyable. Pouvoir déléguer cette rédaction rébarbative est juste un rêve éveillé pour de nombreux PO, PPO ou techniciens QA.
Une dernière chose car l’équipe de tests est en Inde…
Et après, on fait quoi ?
Après ces quelques exemples de ce que j’ai pu tester avec ChatGPT, j’aimerais aller plus loin en explorant les pistes suivantes.
- L’intégration dans les outils
C’est bien pratique d’avoir généré 200 User Story, mais si je dois les copier/coller à la main dans JIRA, ça perd un peu de sa magie. Pourquoi est-ce que notre amie IA ne pourrait pas s’interfacer avec notre outil Scrum pour les intégrer directement dans le backlog ? Le gain de temps potentiel est juste vertigineux.
- Prédire le coût d’un projet
La prédiction est un sujet sensible. En agilité, on a l’habitude de vivre au jour le jour (du moins Sprint après Sprint) mais le client a une fâcheuse manie de vouloir savoir combien lui coûtera l’intégralité de son projet. S’ensuivent de longs débats philosophico-méthodologiques dont le coach agile sort rarement vainqueur ! Il ne reste plus qu’à chiffrer les 50 Epic. Dans la douleur. L’IA a ici son rôle à jouer : on lui donne les US réalisées et le temps passé dessus en entrée et, avec un prompt bien senti, il ne lui resterait plus qu’à chiffrer les 200 User Stories restantes pour la plus grande joie du client (et du coach agile).
- Faciliter l’accueil d’un nouveau membre
Les équipes dans lesquelles j’ai évolué ont toujours été sensibles à l’intégration d’un nouveau membre et n’ont jamais hésité à produire un manuel ou un kit de bienvenue. L’IA pourrait les propulser à un autre niveau. On peut imaginer la génération d’un document d’accueil basé sur l’ensemble des documents projet ou la mise à disposition d’un chatbot dédié au projet.
- Faire l’avant-vente gagnante
Quand on rédige une avant-vente, comme une réponse à appel d’offre, par exemple, on a sous le coude gauche la pile de réponses qui ont été gagnantes et dont on va s’inspirer et sous le coude droit, les réponses perdantes dont on va essayer de retenir les leçons. Cette manoeuvre est au mieux de la cuisine et au pire de la sorcellerie folklorique : rien n’est vraiment rationnel, tout à l’instinct du rédacteur. Peut-être que l’IA peut permettre d’avoir une approche beaucoup plus pragmatique et permettre d’établir les causalités à travailler afin de rédiger, enfin, la réponse 100% gagnante.
Les sujet sur lesquels s’atteler sont nombreux et il est indéniable qu’il y aura un avant et un après dans la vie d’un projet.
Mais c’est la fin de l’agiliste ?
J’ai vu des choses très alarmistes, ici ou là, disant pour résumer que nos métiers (Scrum Master, Product Owner, Coach, etc.) étaient sur le déclin et que les nouvelles IA allaient nous remplacer. Judicaël Paquet, l’influenceur star de l’agilité francophone, en a même changé de métier.
Alors oui, notre domaine va changer et va devoir s’adapter à ces nouvelles technologies.
Mais notre métier, c’est quoi ? C’est de “pisser” de l’US ou de créer de la valeur ? C’est d’animer des rituels Agiles ou de créer de la cohésion d’équipe ? Dans un cas, la transformation qui s’opère va être douloureuse, dans l’autre il suffira juste de s’adapter car aucune IA ne remplacera jamais la sensibilité et la créativité humaine.
Les Intelligences Artificielles ne sont plus une simple promesse d’avenir ; elles sont une réalité tangible et puissante qui transforme déjà le paysage technologique et professionnel. Leur potentiel est immense, et il serait imprudent pour les agilistes de ne pas s’adapter à cette nouvelle donne. L’urgence est là : il ne s’agit pas d’une évolution pour demain, mais d’une révolution qui a déjà commencé. Ignorer cette tendance serait comme manquer un train en marche, un train qui, une fois lancé, ne montrera aucun signe de ralentissement.
Cette période de changement rapide offre également une opportunité unique de réexaminer et de revitaliser les rôles et les responsabilités au sein des métiers Agile. Le premier principe du Manifeste Agile, qui stipule que ‘Notre principale priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des solutions qui apportent de la valeur’, n’a jamais été aussi pertinent. Les IA, avec leur capacité à automatiser, à apprendre et à optimiser, sont parfaitement alignées sur cet objectif fondamental.
Il est donc crucial de revenir aux fondamentaux de l’agilité : l’accent sur le projet et la création de valeur. Dans un monde où la technologie évolue à un rythme effréné, il est peut-être temps pour les agilistes de ‘retourner au charbon’, de se réengager pleinement dans leurs projets et de saisir les opportunités offertes par les avancées en IA pour créer de la valeur comme jamais auparavant.
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