La Comic Sans MS : les graphistes la détestent, et pourtant…
Publié le 5 décembre 2022 • Par Conserto… Elle peut s’avérer utile.
Les origines
Revenons sur l’histoire de cette typographie : très populaire et pourtant si détestée.
Au début des années 1990, l’informatique s’installe peu à peu dans les foyers. Seules la Times New Roman et l’Arial sont disponibles.
En 1994, Microsoft élabore le programme Microsoft Bob afin de rendre l’informatique accessible aux enfants. Pour communiquer avec eux, le programme prend la forme d’un chien qui leur parle via des bulles de textes. Le typographe américain Vincent Connare est missionné afin de crée une police de caractère plus informelle. Il s’inspire alors des comics américains, d’où son nom ; elle est sans empattement et créée pour Microsoft (MS). Ainsi nait la Comic Sans MS.
Avec cette typographie, il brise les règles : par exemple, le « p » et le « q » ne sont plus exactement l’inverse de l’autre. Les courbes des lettres ne sont jamais les mêmes. Vincent Connare veut qu’elle soit unique en son genre.
La Comic Sans MS ne sera pas prête à temps pour la sortie du programme et ne sera donc pas utilisée à cet effet. Elle sera tout de même intégrée à Windows 95. De là, elle gagne en popularité auprès du grand public : enfin une typographie moins institutionnelle qui permet de rendre les écrits plus « fun » ! Elle sera donc appliquée aussi bien pour des invitations festives, des publicités locales, en corps de texte dans les e-mails, etc. La Comic Sans MS prolifère et devient quasi omniprésente.
Toutefois, les graphistes ressentent rapidement un véritable dégoût envers cette typographie. D’un point de vue technique, une bonne typographie comporte certaines spécificités : un équilibre harmonieux de chaque caractère, une homogénéité parfaite de ceux-ci, un espacement régulier entre eux, tout ça pour garantir une lisibilité optimale. Or la Comic Sans MS ne comporte rien de tout ça. La Comic Sans MS est plus complexe à déchiffrer qu’une typographie formelle bien structurée.
Au fil des années, même les non-professionnels saturent. Ok pour les invitations d’anniversaire, mais pour des résultats médicaux… bof bof. L’employer devient une preuve d’amateurisme.
Dès 1999, des mouvements tels que « Ban Comic Sans » et « Comic Sans Criminal » apparaissent, lancés par des milliers d’internautes qui demandent son éradication.
En 2010, le Time Magazine désigne la Comic Sans MS comme l’une des 50 pires inventions de tous les temps et la nomme comme étant la pire police de caractères de tous les temps. Rien que ça.
Les critiques affirment que son inclusion dans le pack de Microsoft a amené à un usage inapproprié — comme dans le corps de texte d’un document, par exemple. On lui reproche également de paraître trop enfantine et de décrédibiliser le contenu du texte.
Vincent Connare l’admet : « C’était pour les utilisateurs débutants en informatique et elle a réussi sur ce marché. Les gens l’utilisent de façon inappropriée : s’ils ne comprennent pas comment une police de caractère fonctionne, elle n’aura aucun pouvoir ni aucune signification pour eux. »
Des contextes choisis
On ne peut pas utiliser une police de caractère sans prendre en compte l’objectif du visuel créé. C’est pourquoi la typographie est l’un des choix les plus importants lors de la création d’une identité graphique. Son usage a un sens et renvoie un message implicite. En effet, elle doit faire le lien entre une entreprise et sa clientèle. Elle a pour but de crédibiliser le message de l’entreprise.
Or, on n’a jamais vu de grosses enseignes employant la Comic Sans. Un tumblr parodique en a toutefois fait l’expérience et effectivement, le logo Chanel en Comic Sans, ça ne symbolise pas vraiment le luxe.
En 2012, le CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire utilise la Comic Sans MS lors de la présentation du boson de Higgs. Les internautes s’indignent de l’emploi de cette police de caractères pour l’annonce d’une découverte scientifique majeure. Mais ce ne sont pas les seuls : Vincent Connare tweet : « Qu’est-ce qu’il se passe avec ces diapos de merde ? » !
Des usages bien définis
Comme je l’expliquais plus tôt, par son irrégularité, la Comic Sans est difficile à lire. Mais cela a deux avantages :
- Les dyslexiques déchiffrent mieux un texte écrit avec cette police qu’une plus formelle grâce au manque d’harmonie entre les lettres. Chaque caractère a son propre dessin et ne se confond plus avec une similaire, telles que le « b » et le « d ». Il y a donc moins de confusion.
- Cela permet de mieux retenir ce que nous lisons (tant que l’emploi de cette typographie reste occasionnel).
En 2010, une étude a été menée par l’Université de Princeton auprès d’élèves afin de déterminer quel impact a une typographie sur la mémorisation d’un document de cours.
Durant plusieurs semaines, les chercheurs ont procuré à plusieurs classes les documents comprenant des typographies différentes : des écritures dites fluides (Times New Roman par exemple) et d’autres disfluides (dont la Comic Sans). Les résultats des examens qui en ont suivis sont sans appel : ceux qui ont étudié avec une typographie qui sort de l’ordinaire ont obtenu de biens meilleurs résultats que ceux avec les typographies courantes.
« Quand vous avez des documents en Times New Roman, c’est si facile, vous y jetez un coup d’œil et vous avez l’impression de les avoir déjà lus. Alors que quand vous avez quelque chose en Comic Sans, c’est moche, c’est difficile à lire, ça captive votre attention. Et lorsque vous êtes attentif, vous pouvez dès lors commencer à comprendre le sens de ce que vous lisez. Ce petit obstacle qui semble rendre les choses plus difficiles vous aide en fait à vous concentrer sur votre travail. »
explique Tim Harford, économiste et auteur.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que si vous souhaitez mémoriser quelque chose ou si vous êtes dyslexique, c’est une typographie adaptée à vos besoins.
Pour le reste, utilisez une autre typographie !
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