Les fouilles avaient commencé quelques semaines plus tôt, suite à un défi lancé par les “Aventuriers de l’agilité perdue” lors de l’Agile Fashion Week (évènement regroupant, sur une semaine, les interventions de la confrérie des Agilistes, membres du phare Rose) :

 Retrouver les traces du droit à l’erreur dans les principes de l’agilité…

J’avais décidé de me lancer dans l’aventure en proposant de coordonner les fouilles, je me présente : Indiana Gilles, aventurier et archéologue en quête de découvertes, d’artéfacts et de reliques légendaires à travers le monde de l’agilité.

Pourquoi la quête du droit à l’erreur dans les fondamentaux de l’agilité?

Je m’intéressais depuis longtemps à ce sujet face à mes élèves qui n’osaient pas s’exprimer ou tester de nouvelles voies par peur d’échouer et des conséquences qui s’en suivraient. Les cours d’archéo-agilité, tels que ceux enseignés par mon père, n’étaient pour moi que la présentation du cadre sans l’esprit ce qui conduisait irrémédiablement à l’homoeostasie (la capacité que peut avoir un système quelconque à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures). Seul le nom de la méthode enseignée changeait car sans le droit à l’erreur la conformité prédominait et laissait peu de place à l’innovation et à l’émergent design en provenance d’en bas.

J’aimais provoquer mes élèves (tel que je le faisais aussi avec mon père !) avant de partir pour de nouvelles aventures :

« Explorez innovez testez et adaptez…   Trompez-vous ! ? n’attendez pas que l’on vous donne le droit à l’erreur, prenez-le ! »

Le manifeste Agile

Le chantier archéologique était plus compliqué que prévu, tout le monde avait vu inscrit la notion de droit à l’échec dans les principes du manifeste agile mais on avait beau creuser, on ne trouvait toujours rien et le chantier devenait pharaonique.

 Un espoir cependant : un fragment de principe du Manifeste agile avait été exhumé des fouilles. Il nous confortait dans la poursuite de nos recherches, en sous-entendant le droit à l’erreur dans les principes d’amélioration continue de l’équipe. L’inscription disait :

« À intervalles réguliers, l’équipe réfléchit aux moyens

de devenir plus efficace, puis règle et modifie son

Comportement en conséquence. »

Le Scrum guide

Néanmoins, pour coordonner les recherches, nous avions pris un accompagnateur pour nous guider dans nos recherches. Son nom : « Scrum guide ». Le chemin qu’il nous avait suivre nous conduisit aux 3 piliers empiriques de SCRUM :

La transparence, l’inspection et l’adaptation.

Nous étions sur la bonne voie, comme le soulignait le « Scrum guide » en lisant les inscriptions figurant sur le pilier de la transparence :

« Le processus et le travail émergents doivent être visibles », puis s’attardant sur le pilier de l’inspection :

« La transparence permet l’inspection ». Une inspection sans transparence est trompeuse et source de gaspillage enfin il concluait en rappelant les inscriptions figurant sur le pilier de l’adaptation :

« Si le produit résultant est inacceptable, alors le processus appliqué ou les éléments produits doivent être adaptés.« 

Avec la notion de travail émergent venait la notion d’innovation et les échecs potentiels que cela pouvait engendrer. Le « scrum guide » apportait un cadre pour en tirer profit, tout en le gardant sous contrôle. N’avions-nous pas trouvé ce que nous cherchions ?

Notre enthousiasme allait être de courte durée… Au loin la menace rôdait et nous observait sous les traits de Walter Fall, un redoutable concurrent qui menait sa propre expédition en mode « traditionnel », fermement opposé à la notion d’erreur qui sous entendait : imprécision, variabilité, retravail nécessaire.

« Alors que tout pouvait être défini de manière exhaustive au départ ! Quand ils s’y attendront le moins, je leur opposerai une « Dead line », une « coupure budgétaire et ce petit jeu prendra vite fin. »

Le matin, à son arrivée sur le site de fouille, l’équipe put constater que l’accès des fouilles avait été définitivement condamné, un ennemi invisible avait œuvré pendant la nuit…

Stoppés net dans notre recherche du droit à l’erreur avec le « Scrum guide » nous faisions un parallèle avec ce que ressentaient certains Product Owners sur le terrain (découvrez la Vidéo AFW sur le sujet, « Je suis PO est ce que j’ai le droit à l’erreur ? ») Le droit à l’erreur ne leur était donné que le temps d’un Sprint, voir un sprint dédié à cela, et ils étaient souvent contraints de rentrer dans le rang au sprint suivant.  Difficile d’ancrer le droit à l’erreur dans la continuité…

Au cœur du Lean

Le guide ne semblait aucunement perturbé par la situation : « Scrum est fondé sur l’empirisme et la pensée Lean disait le Scrum Guide »… Laissez la pensée Lean vous accompagner !

 A contre-cœur, j’essayais de calmer mon esprit agité, de réfléchir … C.A.L.M.E.M.E.N.T. (découvrez la vidéo AFW « Un autre éloge de la lenteur »).

En cas de défaut, au sein des usines de Toyota, qui a élaboré la méthode Lean, la chaîne de fabrication s’arrête et tous les acteurs contribuent collectivement à trouver et corriger la source du défaut. L’entreprise devient apprenante et engage un processus d’amélioration continue. C’est ce que l’on appelle :

La pratique du « Stop the line ».

Nous y étions ! une ligne était bien matérialisée devant nous et en s’y rapprochant nous pouvions, à nous tous, balayer du regard l’ensemble de l’espace et réfléchir, ensemble, à la situation :

 La ligne au sol semblait avoir été tracée par une roue : en remuant le sable à nous tous nous pourrions trouver une nouvelle piste. Quelqu’un avait senti la présence d’un objet dans le sable et nous collaborions afin de l’exhumer, les forces de tous étaient nécessaires : 

Roue de Deming

Une pierre, en forme de roue, fut dégagée, nous avions déchiffré l’inscription “PDCA” gravée sur le bord, il s’agissait de la roue de Deming, symbole de l’amélioration continue du Lean.

La lettre P de Planifier.

La lettre D (Do)  pour exécuter le plan.

La lettre C (Check) pour vérifier, constater le travail réalisé.

La lettre A (Act) agir en conséquence.

L’équipe se chargea de remettre dans la bonne position la roue de Deming, la roue se mit à rouler et à dérouler dans l’ordre P, D, C et Acte… de plus en plus vite. Sous son poids elle heurta violemment le mur laissant apparaitre un passage étroit donnant accès à une grande salle. Au centre se trouvait une sorte de temple :  les fouilles pouvaient reprendre !

La maison du Lean

Le temple était formé d’un socle, de 4 piliers et un toit sur lesquels des inscriptions figuraient :

Il s’agissait de la maison du Lean : avec les inscriptions suivantes :

Sur le chapiteau : la valeur client,

Les piliers, respect, flux innovation amélioration directe,

Sur la base, le leadership.

Mais nous avions beau déchiffrer les inscriptions, l’innovation nécessitait bien d’expérimenter au préalable et de se tromper éventuellement !  L’amélioration continue suggérait que tout n’était pas parfait, Mais… Toujours pas de références directes au droit à l’échec dans les principes du lean.

Plongés dans nos réflexions, nous fûmes vite remis en état d’alerte, une trappe venait de se refermer sur nous et nous étions pris au piège dans la maison du Lean.

Les principes du Lean

Dans l’attente nous reprenions sous la lumière des flambeaux la lecture desprincipes du Lean :

Eliminer le gaspillage

S’améliorer en continu

Livrer rapidement

Limiter le gaspillage…

Avoir une vue globale du système.

Plus nous dirigions nos recherches pour trouver le droit à l’échec plus celui-ci devenait impalpable.

Nous primes du temps pour avoir une vue globale « systémique » reprendre pas à pas les enchainements d’événements qui nous avaient menés jusqu’ici, une étape nous avait-elle échappé ?

Lean start up

Et si le Lean nous donnait la possibilité de reprendre notre exploration depuis le début,

 Le lean startup était une étape clé au cœur de la phase d’exploration continue, phase amont de la conception agile, dédiée à l’innovation et l’expérimentation, 

 Si une idée ne passe pas l’épreuve du MVP (produit minimum viable testé sur un panel d’utilisateur cible), elle est tout simplement abandonnée. C’était un premier pas décisif vers le droit à l’erreur en se donnant le droit d’expérimenter. Et d’échouer…

Statue de Devops

L’exploration continue du Lean start-up nous poussa donc à explorer plus en détail la pièce dans laquelle nous étions. Une statue avait particulièrement attiré notre attention nous venions d’en défricher le nom : Devops. Avec cette inscription :

DevOps est une combinaison de philosophies culturelles, de pratiques et d’outils qui améliore la capacité d’une entreprise à livrer des applications et des services à un rythme élevé.

La statue tenait une amulette dans la main sur laquelle était inscrit sur un cadrant l’acronyme : CALMR

Représentant un modèle de démarche permettant aux entreprises d’évaluer leur niveau de maturité :

Le C pour culture

Le A de l’automatisation

Le L du Lean

Le M de mesure

 … le R de Recovery (restauration) qui était synonyme de résilience à l’échec …Nous touchions au but !

C’était sans compter sur Walter Fall qui, tapi dans l’ombre, venait de surgir et nous fit menotter, il s’empara de l’amulette du cadrant et tourna la lettre R de l’acronyme, il nous avait pris de vitesse choisissant la lettre s’apparentant le plus au droit à l’erreur…

KO monkeys

Une trappe s’ouvrit à cet instant libérant un trou béant qui semblait sans fond et une multitude de singes surgirent de partout, les fameux « Chaos monkeys*”, qui traquaient la non-résilience et la fragilité à l’échec.

(*Chaos Monkey est un logiciel conçu en 2011 par Netflix pour tester la résilience de ses infrastructures informatiques. Le but de cet outil est de provoquer des pannes en environnement réel et de vérifier que le système informatique continue à fonctionner.)

La résilience à l’échec n’était apparemment pas le fort de Walter Fall ! Les Chaos Monkeys l’attrapèrent et l’agitèrent dans tous les sens avant de le pousser dans le vide.

Nous restions assis bouche bée, ligotés et laissés prisonnier à notre triste sort avant qu’un petit singe rebrousse chemin pour retirer nos liens. Juste le temps de se relever et de s’échapper avant que la Statue de Devops ne s’effondre en notre direction.

C’était l’œuvre de l’indicateur Pastek, l’allier de Water Fall, qui avait pour habitude de tromper les outils de mesures en affichant une couleur verte à l’extérieur alors qu’il était rouge sang à l’intérieur. Pastek sévissait dans les organisations ou l’erreur n’était pas tolérée et ou l’on préférait afficher des mesures flatteuses que des échecs, par peur des représailles. Sans mesures objectives le Devops volait systématiquement en éclat .

Fail but fail fast!, shift Left

Les murs s’étaient maintenant mis en mouvement et la pièce se refermait sur elle-même, ils allaient bientôt nous écraser il fallait agir vite, les mots de l’anti-fragilité,

« Fail but fail fast » me revenaient à l’esprit, « le Devops n’est pas une statue immobile mais un mouvement il faut courir !». La pièce était devenue un fin couloir tant les murs s’étaient rapprochés.

« Shift left », ce principe de Devops qui signifie de tester plus tôt pour éviter l’échec me vint à l’esprit : il fallait tourner à gauche au bout du couloir, c’était notre seule chance !

Même s’il n’y avait pas d’ouverture. Arrivés au bout du couloir nous venions de libérer une porte dérobée s’ouvrant dans une pièce secrète au centre se trouvait un coffre…

Cette course effrénée au cœur du Lean nous avait laissée à bout de force, avec l’impression d’une accélération incessante, un parallèle avec le rythme que nous constations dans les organisations. En effet, nous constations que la mise en place de l’amélioration continue se faisait au seul service du flux et non pas sur l’innovation ou la qualité du travail. Si le droit à l’échec n’est pas intégré dans les principes de l’amélioration continue et que seule la vitesse compte alors l’esprit du Lean disparait avec pour résultat final : dispersion, épuisement et un temps de latence qui fait que l’on n’attend même plus les effets d’une action pour en entreprendre une autre…

Culture organisationnelle

Fort heureusement, le calme était revenu dans l’antichambre de la culture pour laquelle toute transformation s’opère dans la durée. J’avais pourtant un drôle de pressentiment : ce coffre au centre de la pièce, cette mise en scène, comme si le droit à l’échec se donnait comme un objet, un trésor, cela ne collait pas !

« N’ouvrez pas !”  Trop tard ! L’indicateur Pastek qui nous avait devancé avait commencé à ouvrir le couvercle du coffre fut désintégré sous nos yeux. Le coffre se referma d’un coup sec.

« Attendez ! Regardez les gravures sur le mur… »

Les comportements, les valeurs de la culture agile étaient inscrits sur les murs des pièces ainsi qu’une table représentant le modèle de Westrum qui décrivait les différentes typologies de culture :

Pathologique :  Les échecs mènent  à la désignation de boucs émissaires​

Bureaucratique : Les échecs mènent à la recherche du coupable à punir​

Générative : Les échecs mènent à l’amélioration du système.​

Le droit à l’erreur était un marqueur fondamental pour identifier la maturité culturelle de l’Agilité.

Il était propre à chaque organisation et étroitement lié à la culture sur ces différentes formes (pratiquée, partagée, affichée) la matérialiser dans un principe pouvait ne rien changer dans les faits si cela n’était qu’une façade et que le droit à l’erreur n’était pas donné (ou pris) au sein de l’organisation.  Un vaste sujet à explorer dans une prochaine expédition…

Conclusion

Partis à la recherche du droit à l’erreur dans les fondements de l’agilité, cette aventure qui avait débuté dans les principes du Manifeste Agile nous avait emmené, accompagnés de notre fidèle Scrum Guide, sur le chemin du Lean porté par le DevOps… Elle nous avait conduit jusqu’au fin fond de la culture de l’organisation dans lequel figurait ou non le droit à l’erreur.

Un long périple m’attendait donc, l’aventure ne faisait que commencer !

To be continued…

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Nos équipes sont à l’écoute !