Au Phare Rose, on lit des livres, des vrais, sans images, et on en discute. Et comme on aime bien partager, on vous fait des fiches de lecture, ce qui vous laisse plus de temps pour vos équipes, vos projets ou pour boire des mojitos au bord de la piscine.   

Aujourd’hui, nous allons parler de Nudge Management par Eric Singler aux éditions Pearson, et revenir sur un terme qui fait le « buzz » comme disent les influenceurs : le Nudge ! Mais qu’est-ce que le Nudge ? Comment le Nudge peut-il aider des équipes à mieux travailler ? Et comment encourager l’adoption de cette méthode par les collaborateurs ? Eric Singler va répondre à ces questions, en 328 pages. 

Les deux cerveaux et l’entreprise 

Vous ne le saviez peut-être pas mais l’homo sapiens sapiens (RIP) a été remplacé par l’homo economicus, l’homme rationnel qui prend des décisions, rigoureux et logique. Mais l’homo enonomicus n’est plus (petit ange parti trop tôt), il a dû céder la place à l’homo psychologicus aka l’homme qui croit maitriser ses décisions mais en fait non !   

Au commencement furent les travaux de Daniel Kahneman et Amos Tversky qui jetèrent un pavé dans la mare des sciences comportementales et ouvrirent une nouvelle ère dans moultes disciplines : psychologie, sciences cognitives, neurosciences, etc. Les deux chercheurs eurent même, pour leurs travaux, le Prix Nobel… d’économie ! Et oui, d’économie : si on sait comment fonctionne l’humain, on sait ce qu’il peut faire de son argent. Malynx, le lynx !   

Que disent Kahneman et Tversky ? Ils disent que l’homme a 2 cerveaux (ce qui le distingue du dirigeant russe qui, lui, n’en aurait aucun) : Le cerveau rapide et le cerveau lent. Le deuxième est celui que l’on connait tous:  il nous permet de raisonner, de réfléchir avec logique, de calculer ou de changer de chaine quand on tombe sur une émission de Cyril Hanouna. C’est celui que vous utilisez actuellement quand vous lisez ces lignes. C’est un système efficace mais couteux en énergie et, surtout, lent (les mauvaises langues diront « certains plus que d’autres », krrr krrrr). 

C’est pourquoi dame nature nous a pourvu d’un cerveau rapide, cerveau que l’on a affuté durant nos millions d’années d’évolution. Petite mise en situation : prenez une brousse, un bipède moyen et un lion. Armé de son cerveau lent, le bipède va calculer sa vitesse de course, celle de l’animal, faire un comparatif et étudier la meilleure option pour s’en sortir. C’est un comportement raisonné. Malheureusement pour lui, il n’aura pas fini sa première addition qu’il sera déjà dans l’estomac du félidé. D’où l’intérêt du cerveau rapide : brousse, bipède, lion. LION ? COURIR ! VITE. Ce comportement n’est certes pas raisonné mais il aura eu le mérite de sauver notre ami.   

On pourrait croire que la savane est loin derrière nous et que la civilisation nous a fait troquer les herbes hautes pour un douillet open-space. Détrompez-vous : l’entreprise doit livrer un combat permanent pour sa survie. Ce struggle for life, pour paraphraser Charles Darwin (dont je suis le premier fan), passe par quatre défis : prendre les meilleures décisions possibles, avoir un comportement gagnant pour le collectif (rappelez-vous :  winner ensemble, c’est gagner together), être efficace individuellement et, surtout, savoir engager son équipe ! Car le bipède qui y croit est un bipède qui n’en veut !   

Concernant ce premier chapitre, l’honnêteté et la transparence qui me caractérisent (avec la modestie, évidemment) m’obligent à avouer que, lors du cercle de lecture où nous débattons entre agilistes avertis (et un agiliste avertit en vaut deux), une voix s’est élevée pour reprocher qu’Eric Springer n’avait ici développé que certaines thèses de neuroscience sans lister de manières exhaustives l’ensemble des thèses. Parti-pris, le mot est lâché.  Avec le recul, en écrivant ces modestes lignes je ne trouve pas ça dérangeant, finalement. Peut-on reprocher à un auteur de n’évoquer que les pistes utiles à la compréhension de son ouvrage ? Peut-on reprocher à l’auteur de « Ma cuisine Vegan pour tous les jours » (2021, aux éditions La Plage) de ne pas parler des bienfaits de la viande ? Je ne sais pas. L’auteur défend son beefsteak (de tofu) et, moi, ça me plait ! 

Avec ton cerveau, faire de toi un meilleur toi 

Un humain, deux cerveaux, une entreprise, quatre défis… Quoi pour les unir tous ? Mais le nudge, bien sûr !  

Le nudge, kézako ? Le terme de nudge désigne « tout aspect de l’architecture du choix qui modifie de façon prévisible le comportement des gens sans interdire aucune option ou modifier de façon significative les incitations financières. Pour être considérée comme un simple nudge, l’intervention doit pouvoir être évitée facilement et à moindres frais. Les nudges n’ont aucun caractère contraignant », selon Richard H. Thaler & Cass R. Sunstein, les auteurs de « Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne décision » (Vuibert, 2010). En gros, c’est faire appel au cerveau rapide pour influencer (légèrement) le comportement.    

Prenons le nom de la salle de réunion, par exemple. Emmener l’équipe en brainstorming dans une salle appelée « Albert Einstein », « Silicon Valley » ou « Mastermind » sera un peu plus stimulant que l’emmener en « Macumba Night Fever », « A la queue leu leu » ou « Slip sur la tête ». Essayez, vous allez voir. La raison est simple : « Silicon Valley » évoque les technologies, l’innovation, les conquêtes entrepreunariales et va faire office de trigger pour le cerveau 1 et mettre le bipède en mode brainstorming avec un peu plus de concentration, de créativité ou de force de proposition. C’est le petit coup de pouce inconscient alors que notre cerveau 2 nous fait remarquer, mais trop tard, que le nom de la salle ne change pas ce qu’on y fait. 

Mais le nudge n’est pas que notre ami et il faut savoir le contrer pour pouvoir prendre la bonne décision au bon moment. C’est particulièrement le cas quand on fait appel à notre instinct, cet ami prêt à nous trahir à la première occasion. Les recrutements sont d’excellents exemples de la fourberie du nudge. Les personnes que je connais et qui ont l’habitude de faire des entretiens de recrutement, procèdent souvent de la manière suivante pour évaluer un candidat : d’abord un bref check du parcours et des compétences (pour piéger le mytho) puis un jugement à l’instinct/au feeling/à l’expérience (rayer les mentions inutiles). Bref, on se fait avoir par un jugement complétement irrationnel géré par un cerveau 1 beaucoup trop sûr de lui et on se fait nudger comme un bleu. 

Un manager sachant nudger… 

Le monde va vite, l’entreprise est en constante mutation. Face à ses nouveaux enjeux, il existe des solutions à base de processus social et d’environnement psychologique. Manager, à toi de jouer.   

Tout commence pendant le recrutement : pour une équipe qui a la gniak, il faut des jeunes qui n’en veulent ! Il faut de la passion, il faut de la niaque, il faut du grit ! Le grit est un concept inventé par la pyschologue Angela Lee Duckworth, pour qui la clé du succès est la ténacité. Voilà, c’est ça qu’on veut : des guerriers, des warriors, des bouledogues ! Mais attention, avec l’esprit d’équipe ! Car pour citer Johan Cruyff, célèbre manager du FC Barcelone : « Si vous choisissez le meilleur à chaque poste, vous n’aurez pas une équipe mais onze numéros uns« . La Team Spirit : un seul maillot, une seule passion. 

NB : attention au manager- recruteur accoucheur de talents trop passionné, qu’il ne se fasse pas embarquer par ses propres biais cognitifs (« lui il est trop grité, je le signe tout de suite »). Non, non et non. Les entretiens doivent se faire sur des critères objectifs et pas sur le feeling. Au vestiaire, le « nez« , l’ « intuition« , l’ « expérience« . Ce serait dommage que le nudge manager se fasse nudger, non ?   

Et après, c’est facile : on met en place la sécurité psychologique, on favorise la coopération et on encourage l’innovation.  « Mais, me direz-vous, on est quand même franchement plus dans le management que dans le nudge, non ? ». Certes, mais l’intention de d’Eric Singler est, à mon avis, de fournir une boite à outils dédiée aux sciences comportementales aux managers qui souhaiteraient franchir le pas.   

Du coup, on peut se demander à qui s’adresse le livre ? Aux curieux des neurosciences ? Aux experts du cerveau ? Aux high managers ? Bah, je pense que dans « Nudge Management« , chacun pourra piocher ce qu’il cherche, quitte à faire l’impasse  sur certains chapitres. Mais le plus important est là : savoir identifier le nudge et pouvoir s’en servir au sein de ses équipes.  

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