Un article de Pauline Blaize, Ludovic Chapellière, Lionel Métivier, Milena Pichon, Benoit Prieur et Boukhalfa Zahout.

Le GreenTech Forum est un événement important pour les acteurs du numérique responsable : l’occasion de faire de la veille, d’échanger des bonnes pratiques ou de découvrir des innovations. Alors, quelles sont les grandes tendances du secteur ? L’équipe Conserto qui s’est rendue sur place vous dit tout.

Donner un cadre et un rythme à la stratégie

Les intervenants sont unanimes : pas de stratégie numérique responsable réussie sans démarche construite et sans temporalité imposée.

Les bonnes pratiques

Parmi celles qui sont revenues le plus souvent au travers des ateliers et conférences, citons notamment :

  • La mise en place d’un Comité stratégique numérique responsable pour construire le cadre et donner de la matière via la montée en compétences. Toute la chaîne de valeur doit être formée à ce positionnement.
  • Et, mieux encore, la nomination d’un Directeur du Développement Durable ou d’un Green IT Manager, qui amène les autres fonctions à faire leur métier autrement, avec le prisme de l’impact social et environnemental, et à faire évoluer leurs pratiques. Son objectif principal est de montrer à chaque service le rôle qu’il a à jouer, à travers une stratégie d’évangélisation.
  • L’engagement de la Direction est crucial pour que la démarche numérique responsable soit pleinement intégrée à la stratégie de l’entreprise, tout comme la RSE.
  • Un rétroplanning bien construit pour être prêts quand la réglementation sera implémentée.
  • La mise en place de KPI numérique responsable : nombre d’appels d’offres gagnés grâce à l’expertise numérique responsable, nombre de sites éco-conçus, etc.

Une formalisation de la démarche

Afin de jalonner la démarche, les labels, les chartes et les normes sont utiles pour jouer le rôle de catalyseurs.

Petit point lexique

Charte :  un partage de valeurs et d’engagements.
Label : reconnaissance qui émane d’une structure privée et qui atteste qu’une entreprise ou un produit respecte des engagements et applique des bonnes pratiques dans un domaine donné.
Norme : recueil d’exigences qu’il est obligatoire de respecter pour être certifié via l’évaluation d’organismes officiellement accrédités.

BCORP

Géré par B Lab France depuis 2006, ce label est généraliste et n’intègre pas de spécificité pour le numérique responsable à ce jour (mais cela ne devrait pas tarder). Son approche est centrée sur l’organisation et l’écosystème de l’entreprise. Le référentiel s’appuie sur 5 domaines d’impact :

  • Les collaborateurs
  • La gouvernance
  • L’environnement
  • Les clients
  • Les collectivités

Les impacts sont mesurés à travers 2 typologies de résultats : « impact opérationnel » et « impact lié au modèle d’affaire ».

Lucie 26000

Géré par l’Agence Lucie depuis 2007, ce label est généraliste, mais aborde le numérique responsable, et intègre 7 thématiques :

  • Gouvernance responsable, transparence
  • Respect des individus
  • Qualité de vie au travail
  • Ethique des pratiques
  • Engagement pour l’intérêt général
  • Protection de la nature
  • Produits et services responsables

Le label Lucie est généraliste en matière de RSE et intègre le thème du numérique responsable au sein de l’une des 7 thématiques abordées par le référentiel : les produits et services responsables.

Chez Conserto, nous sommes d’ailleurs labellisés Lucie depuis 2021.

NR

Géré par l’Agence Lucie depuis 2019, ce label s’adresse aux entreprises du numérique et aux directions numériques des entreprises. Le référentiel s’appuie sur 4 axes :

  • Stratégie et gouvernance
  • Soutien à la stratégie Numérique Responsable
  • Cycle de vie des services numériques
  • Etendre sa démarche numérique responsable
  • Produits et services des ESN 

Suivant le score obtenu, 2 niveaux de labellisation sont possibles : NR1 et NR2.

Engagé RSE

Géré par l’AFNOR depuis 2010, ce label est généraliste et n’est pas en lien direct avec une politique de numérique responsable. Le référentiel contient 8 chapitres dont 5 d’évaluation des pratiques de l’organisation en RSE et 3 chapitres de résultats RSE.

2020 a également vu naître deux nouveaux labels :

  • Positive Workplace qui se base sur la protection des utilisateurs et la maîtrise des impacts environnementaux.
  • Rexcelys qui mixe les normes ISO 9001 et 26000 pour les petites entreprises.

L’importance de la formation

Le parcours de la maturité numérique responsable peut être résumé en 3 étapes clés :

La formation est centrale dans ce processus : elle est un moyen de réfléchir aux bonnes pratiques. Elle permet également de maîtriser la sémantique (complexe) propre à ce sujet. Par exemple, faites-vous bien la différence entre numérique responsable et éco-conception ? Si vous avez un doute, petit rappel 👇

Quelques conseils pour bien réussir sa formation et celle de ses équipes :

  • Débuter par une sensibilisation afin de faire adhérer au contenu de la formation.
  • Fuir les formations « monocritères », uniquement basées sur l’impact Carbone par exemple.
  • Sélectionner des formateurs compétents ayant de l’expérience terrain.
  • Vérifier que les standards présentés lors des formations sont internationaux et pas seulement français (Norme ISO 14000 ou IEC 62.430).

Une transformation en profondeur du modèle économique

Dans une logique de numérique responsable, il ne faut plus vendre un produit/service mais un usage, pour améliorer la durabilité. C’est donc bien toute la stratégie de l’entreprise qui doit s’adapter à cette transformation.

Concrètement, côté numérique responsable, cela passe par :

  • Des logiciels open-sources (collaboration avec l’écosystème).
  • De l’open hardware (adapter les terminaux, les réparer quand c’est possible).
  • De l’open data (données environnementales, comme Boavizta).
  • Un engagement des fournisseurs.

Le numérique responsable ne génère pas de nouveaux métiers mais apporte un nouveau prisme aux métiers existants. Cette nouvelle perspective et une montée en compétences sur la compréhension des enjeux RSE permettent ainsi de faire évoluer les pratiques des différentes fonctions.

Cette déclinaison passe également par la stratégie, en déterminant les contributions des différentes directions de l’entreprise.

Quelques exemples d’actions d’engagement :

  • Mise en place d’un guide pratique pour des achats responsables,
  • Inclusion de critères environnementaux dans les appels d’offres (autour de la notion d’éco-bénéfice),
  • Reporting environnemental pour objectiver l’amélioration.

La nécessité par la norme légale

Le reporting extra financier se généralise chez les grandes structures cotées. À partir de 2025, la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) va être appliquée à un plus grand nombre de sociétés. En bref, cette nouvelle règlementation va conduire à des évolutions qui ont pour objectifs le renforcement de la place des enjeux de développement durable dans la stratégie, la gouvernance et la gestion des risques des entreprises.

Alors, comment convaincre un COMEX de s’engager ?

  1. Pas la peine (pour l’instant) de parler sanctions financières, elles ne sont pas encore assez fortes.
  2. Se focaliser sur le scope 3 du bilan Carbone.
  3. Prioriser les besoins clients, à travers les opportunités business apportées par le numérique responsable.
  4. Sensibiliser le COMEX, à travers une Fresque par exemple.
  5. Si le COMEX veut savoir ce qu’il peut y gagner, commencer par lui montrer ce qu’il peut y perdre, à travers le non respect des règlementations, les opportunités commerciales manquées, etc.
  6. Mettre en lumière l’impact sur la marque employeur.

La rationalisation de la DSI

Plusieurs actions peuvent être mises en place :

  • Augmenter la longévité des applications,
  • Ne plus acheter du neuf : trouver des alternatives via de l’achat de matériel reconditionné,
  • Réduire l’impact numérique via la stabilité du parc SI,
  • Quantifier l’ordre des émissions d’une DSI : équipements, datacenter, données, et enfin, les collaborateurs,
  • Faire de l’achat responsable selon les utilisateurs : ne pas acheter un poste surdimensionné pour certaines typologies de métier. Par exemple : un commercial n’a pas besoin d’un PC aussi performant qu’un développeur. Il faut donc gérer son parc en adéquation avec les usages.

Le manque d’outil commun

S’il y a bien un élément qui a sauté aux yeux de l’équipe de Consertiens présente au GreenTech Forum, c’est que nombre d’acteurs qui se sont lancés dans le numérique responsable ont mis en place leur propre outil. Cela est d’autant plus flagrant sur le sujet du calcul de l’impact carbone des sites web, et ce manque de référentiel commun peut rendre beaucoup plus confus l’écosystème des outils existants.

Si nous prenons cet exemple, deux types de méthodes existent pour calculer et mesurer cet impact :

  1. Méthodes de calcul : cette méthode permet aux entreprises de faire principalement un bilan carbone, qui permet d’avoir des points de repère avant d’aller plus loin sur le chemin qui reste à parcourir pour réduire les impacts de leurs services numériques.
  2. Méthode PEF (Product Environmental Footprint) : développée par la commission européenne, dans le cadre de la création d’outils d’affichage environnemental, la méthode PEF est essentielle. C’est le cadre fixé par l’Union européenne mais également ce à quoi poussent les lois en France. L’article 2 de la loi climat et résilience, l’article 13 de la loi AGEC ou encore l’article 35 de la loi REEN.

Tous les acteurs travaillants sur ce sujet s’accordent sur le manque de données pour étudier correctement les impacts environnementaux au-delà de l’impact carbone (eau, biodiversité, ressources abiotiques, etc.).

Nous aurons l’occasion de vous aider à y voir plus clair prochainement.

Prise en compte de la règlementation en France

La COP21 de Paris en 2019 est considérée comme le point de départ de la prise de conscience de l’obligation de prendre en compte l’empreinte environnementale en France.

2020 : Loi AGEC – Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire (10 février 2020)
Elle se focalise, côté digital, sur 3 axes : Mieux informer les consommateurs (titre II), Réemploi, réutilisation, économie de la fonctionnalité (titre III) et responsabilité élargie du producteur (titre IV)

2019-2020 : Convention citoyenne pour le climat (Octobre 2019 à Juin 2020)
150 personnes tirées au sort s’informent, débattent et préparent des projets de loi en faveur de la lutte contre le changement climatique.
La convention a pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de GES d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale.
7 sessions de travail ont ainsi été organisées entre octobre 2019 et juin 2020.

2021 : Loi climat et résilience (promulguée le 22 août 2021)
Cette loi traduit une partie des 146 proposition de la convention citoyenne pour le climat articulée autour de 5 thèmes (Consommer, Produire, Se déplacer, Se loger et Se nourrir)
Article 301 : feuille de route « décarbonation » des filières émettrices, dont le numérique, établie au plus tard le 1er janvier 2023.

Résumé du plan d’action de la feuille de route « Numérique » :

  • Agir sur la phase de conception et de fabrication des terminaux
  • Allonger la durée de vie et diminuer les consommations
  • Améliorer la prise en compte de la fin de vie des équipements
  • Favoriser la transparence
  • Intégrer l’IOT dans la feuille de route
  • Adopter une stratégie pour les datacenters
  • Promouvoir l’écoconception
  • Encourager la sobriété des usages et développer la formation
  • Agir contre l’obsolescence
  • Ajouter une stratégie pour les réseaux
  • Identifier des cas d’usage pour la décarbonation des autres secteurs

Pour plus de détails :

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20230703%20-%20Synth%C3%A8se%20-%20feuille%20de%20route%20de%20d%C3%A9carbonation%20du%20num%C3%A9rique.pdf

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Proposition_feuille_de_route_decarbonation_numerique.pdf

2021 : Loi REEN – Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique en France
Ce texte vise à actionner l’ensemble des leviers identifiés pour réduire l’empreinte environnementale du numérique. Il a été rédigé par le Sénat, dont l’ambition a été réduite par l’Assemblée nationale pour des raisons financières.
Une méthodologie a également été publiée par l’ADEME basée sur la méthode européenne d’analyse de cycle de vie (ACV) : « PEF/PCR ».
Depuis fin 2021 et la loi REEN2, L’ARCEP est missionnée pour collecter les données environnementales du numérique. Un observatoire est instauré en 2022 en partenariat avec l’ADEME.
La loi REEN est à l’initiative de l’intégration de sensibilisation à l’impact environnemental des outils numériques avec des volets sur la sobriété numérique et l’éco-conception dans les formations ingénieurs depuis la rentrée scolaire 2022 (Art. 3).
Limiter le recours aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs des services numériques (Art. 25) entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Les articles 10,11 et 12 de la loi climat assimiles le greenwashing à une pratique commerciale trompeuse et instaure des sanctions financières. L’usage de la neutralité carbone doit être associé à des apports de preuve, dans le cas contraire cela sera considéré comme du greenwashing.

Pour plus de détails :

https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/5040-empreinte-projet-evaluer-l-empreinte-environnementale-d-un-projet.html

https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/5039-guide-d-aide-a-la-selection-des-methodes-d-evaluation-environnementale.html

Petit rappel des différents référentiels

GR 491 – Guide de référence de conception responsable édité par l’Institut du Numérique Responsable. L’objectif est d’accompagner ceux qui le souhaite vers une conception de service numérique responsable suivant le triptyque Social, Planète et Croissance.

https://gr491.isit-europe.org/

RGESN – référentiel général d’écoconception de services numériques piloté par la direction interministérielle du numérique. L’objectif est de réduire la consommation de ressources informatiques et énergétiques et l’obsolescence des équipements.

https://ecoresponsable.numerique.gouv.fr/publications/referentiel-general-ecoconception/

RGAA – référentiel général d’amélioration de l’accessibilité édité par la direction interministérielle du numérique (106 critères à respecter). L’objectif est de rendre les contenus et services numériques compréhensibles et utilisables par les personnes en situation de handicap.

https://accessibilite.numerique.gouv.fr/

Green IT – Guide des 115 bonnes pratiques

https://collectif.greenit.fr/ecoconception-web/115-bonnes-pratiques-eco-conception_web.html

Norme ISO 14040:2006 – Principe et cadre d’une Analyse de Cycle de Vie

Norme ISO 14044:2006 – Exigences et lignes directrices d’une Analyse de Cycle de Vie

Norme ISO 26000:2010 – Principes et lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale

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